Qu’est-ce qui rend la remontada si spéciale ?
Il est rare que l’on puisse identifier clairement l’acte de naissance d’un mot. “Remontada” a conquis la France un soir de mars 2017 et n’a depuis plus quitté le lexique sportif français.
Le 14 février 2017, Le Paris Saint-Germain écrase le FC Barcelone 4-0 à Paris, en match aller de huitième de finale de la ligue des champions. Pendant les trois semaines qui suivent avant le match retour, les médias catalans se prennent à rêver d’une remontée fantastique.
Le mot d’orinige espagnole « remontada », qui est là-bas depuis longtemps consacré pour ce genre d’exploit sportif, est alors sur toutes les lèvres.
Le 8 mars suivant, le PSG est balayé 6-1 à Barcelone, et est éliminé de la compétition. Cette improbable déconvenue est l’un des évènements marquants de l’année sportive française et popularise l’usage du terme remontada pour les remontées au score, d’abord dans le football, puis dans d’autres sports et même plus. Le terme apparut par exemple sur les réseaux sociaux et dans la presse lors de la victoire inattendue de François Fillon à la primaire de la droite en 2017.
Le mot remontada est formé de la même manière que sa traduction directe en français, remontée. Les français le prononcent en général avec un son « eu » dans la première syllabe et non pas un « é » comme en espagnol. Ce mot vient remplacer un autre emprunt, à l’anglais cette fois, le mot « comeback », introduit en France dans les années 1930. D’où nous vient ce besoin d’emprunter des mots dans d’autres langues, alors que nous en avons déjà des équivalents ?
L’histoire des mots fait leur force évocatrice.
La soirée du 8 mars 2017 est encore dans les têtes de tous les fans de football. Les usages de remontada se sont multipliés, mais chacun renvoie toujours au souvenir de la remontada « originelle », celle dont les images ont fait le tour du monde.
C’est cette histoire récente, ce souvenir encore net qui rend ce mot bien plus fort que comeback pour exprimer le caractère exceptionnel d’une remontée.
Les mots portent en eux leur sens, mais aussi leur histoire. De fait, plus cette histoire est présente dans les esprits, plus le sens est fort. Cela explique le besoin de renouveler la langue.
Car on peut postuler qu’avec le temps, le mot remontada va lui aussi perdre de son pouvoir évocateur, au fur et à mesure que le temps passera, et que d’autres performances exceptionnelles viendront relativiser celle du FC Barcelone ce fameux soir de mars. Puis un jour peut-être, une d’entre elle sera si inattendue, si spectaculaire, qu’elle donnera son nom à ce qu’on aura appelé la remontada. Die Aufholjagd ? A virada ? Ou peut-être qu’une équipe française sera cette fois du bon côté de l’histoire, propulsant “remontée” dans le lexique d’un des pays voisins ?