Peut-on être d’accord sur l’essentiel ?
La crise sanitaire a imposé une réflexion presque philosophique sur l’essentialité des choses. Produits essentiels, produits non essentiels. Il faudrait donc faire des choix. Du point de vue du gouvernement, il serait possible de définir l’essentiel comme les instituts de sondage définissent le panier la ménagère. Plus tard en 2020, l’expression “biens de première nécessité” est devenue la nomination officielle, mais il était trop tard.
Le débat sur la définition de commerces essentiels a marqué la population française et c’était… essentiel.
En novembre 2020, pendant le deuxième confinement, les supermarchés restés ouverts ont été sommés de ne vendre que “l’essentiel”, pour éviter la concurrence déloyale avec les commerces qui ont été obligés de fermer. L’image de ces rayons de jouets enveloppés de films plastiques était édifiante. Les chocolatiers et les fleuristes ont finalement été inclus dans la liste. On se souvient de la polémique sur la fermeture des salons de coiffure. Beaucoup ont été assez perplexe devant le choix de la fermetures des certains rayons par rapport à l’ouverture d’autres. Les restrictions sanitaires comprennent aussi la fermeture des frontières, et l’interdiction des voyages non essentiel. Le tourisme international n’est pas essentiel en période de pandémie. Tout cela entraine des lignes de conduite nouvelles, vers plus de local. Et plus d’activités en ligne.
Définir l’essentiel est paradoxal en soi. Si c’est essentiel, ça va sans dire, non ? Or le gouvernement l’a décidé pour la population en 2020. Il semblerait que ça se limite à des fonctions vitales : se nourrir, avoir accès à des soins. Mais même là, cela diffère encore selon chacun : certains vont stocker des pâtes, d’autres des bières. Comment est-il possible de ne pas être d’accord sur l’essentiel ? Chacun en a sa définition.
Une source de désaccord : la crise aura révélé que l’essentiel sépare les individus.
Alors que certains militaient pour l’ouverture des librairies, d’autres demandaient la réouverture des lieux de cultes. Il apparait impossible d’imposer à toute une population les mêmes restrictions. Plus le temps passe, plus la liste des commerces essentiels s’allonge. La définition n’est toujours pas claire.
Le besoin de se divertir, se cultiver a été défini comme non essentiel. Les cinémas, théâtres, lieux culturels ont été fermés. Pourtant, la plateforme de streaming Netflix a connu une augmentation considérable de son nombre d’abonnés en 2020 : 37 millions d’abonnés en plus. D’ailleurs, l’auteur Rabelais dit même que c’est se divertir qui caractérise les êtres humains : « Rire est le propre de l’homme ».
D’après Rabelais, le divertissement est plus qu’essentiel, il définit l’être humain.
Les confinements ont été l’occasion de faire des bilans, au niveau professionnel comme personnel. Beaucoup de français ont (re)découvert la cuisine fait maison, le jardinage, la méditation. Ils ont réalisé qu’ils avaient peut-être perdu de vue l’essentiel dans leur vie. Les médias regorgent d’exemples. Les éditeurs n’ont jamais autant reçu de manuscrits.
« L’essentiel n’est pas de vivre, mais de bien vivre » (Platon)
Par bien vivre, Platon ne parlait pas de confort matériel mais de bien de valeurs et d’éthique. On dépasse alors les fonctions vitales. “Bien vivre” est forcément subjectif. Si la définition d’essentiel n’est toujours pas claire et peut-être diamétralement opposée selon les gens, une chose fut plutôt commune : le besoin de revenir à l’essentiel et de trouver un équilibre. Beaucoup cherchent encore.