Qui dit décryptage dit objectivité ?
Décryptage économique, décodage géopolitique… ces rubriques sont de plus en plus présentes dans les médias. A l’origine, pourtant, décrypter c’est mettre à jour un sens volontairement caché au moyen d’un code. Ce n’est pas se contenter d’apporter des éclaircissements. Que dit ce glissement du rapport à l’actualité et à l’information?
Dans décrypter, on entend bien évidemment crypter, et qui dit cryptage dit code secret. Ainsi, l’idée de cryptage renvoie à celle d’une communication volontairement brouillée entre des personnes agissants dans l’ombre. Qu’il s’agisse d’explorateurs déchiffrant des manuscrits anciens, ou encore d’espions ou de malfaiteurs dans les romans policiers. On y trouve aussi l’imaginaire de la machine et du dispositif de codage, entretenant l’idée d’une certaine rationalité.
Pourtant, le “décryptage” dans les médias ne consiste pas à révéler un sens dissimulé
Il s’agit plutôt d’apporter une expertise sur une situation complexe à laquelle il n’y a pas de réponse tranchée. Les sujets traités sous cet angle sont principalement des questions économiques ou géopolitiques épineuses. Bien souvent, le mot sert de substitut à celui de “vulgarisation” d’une parole experte ou tout simplement d’analyse. Pourquoi, alors, est-il employé s’il ne correspond pas réellement à la démarche entreprise? C’est que l’idée de décryptage connote celle d’un sens univoque, qu’il suffirait de mettre à jour. L’idée est particulièrement séduisante dans une société où la technologie rend le flux d’information constant.
Décrypter c’est donc s’inscrire dans l’imaginaire de l’exactitude, de l’objectivité.
C’est se poser comme un remède au relativisme, aux éléments de langage ou à la controverse. L’intention est compréhensible. Mais ce mot entretient cependant le mythe de l’objectivité médiatique, mythe dont on voit les limites par la présence même de ces rubriques.