Paradoxal : le collaboratif peut-il nuire au lien social ?
La presse économique classe régulièrement l’esprit d’équipe parmi les soft skills les plus valorisées en entreprise. Cette tendance va de pair avec l’essor des outils collaboratifs : plateformes internes, applications de gestion de projets, workshop d’intelligence collective, …
Les salariés sont devenus des collaborateurs. Dans un idéal de l’organisation, l’équipe fonctionnerait désormais comme un réseau de neurones. Toujours connectée, toujours disponible, au service de l’entreprise. En parallèle, le télétravail continue sa progression. Selon une étude menée par l’Ifop* en 2018, près de 30% des salariés du privé sont concernés.
La collaboration se passe de lieux physiques : tout se déroule dans les espaces numériques.
Cette transformation bio-numérique représente un levier pour développer le capital immatériel de l’entreprise. De la formation continue au partage des connaissances, en passant par la co-construction avec les clients, le décloisonnement des équipes, c’est un système d’échange d’information qui se réinvente. Mais, corollaire de ces nouvelles pratiques collaboratives, l’éclatement des lieux de travail de l’entreprise comporte ses points faibles. Slack et ses consorts ne remplacent pas la machine à café. Car si le collaboratif devient une ressource, il s’agit de la manager et, avec, les sociabilités au travail.
En faisant du lien social un outil fonctionnel, le collaboratif se vide de sa spontanéité, son essence première.
Pour que l’entreprise reste un lieu de vie, elle doit aussi réinventer les espaces informels sans vouloir nécessairement les maitriser. En ligne ou IRL, à distance ou au bureau, revendiquer “l’humain au coeur du travail” c’est accepter que toute relation professionnelle ne doit pas déboucher sur une collaboration, que le lien social n’a pas vocation à devenir fonctionnel. Au-delà de l’efficacité, c’est cela aussi, le capital immatériel.