Le 18 février 2019

Sommes-nous tous devenus Co- ?

Alors que le quotidien communiste L’Humanité est placé en redressement judiciaire, notre vocabulaire est envahi de mots qui racontent l’essor de l’économie dite collaborative.  Paradoxe de l’époque. On ne dit plus communistes, cocos ou copropriétaires, mais coworking, copartage, co-construction, coliving, covoiturage, cobranding… Cela concerne tous les secteurs et tous types de pratiques. Est-ce à dire que nous sommes entrés dans une société du partage ?

Un préfixe : au bonheur du co-

On aurait tendance à le croire : en latin, « co- » signifie « avec ». C’est bien là l’ambition du modèle : transformer l’économie, en passant d’une logique unilatérale des profits au partage des biens, des services et des revenus. Propulsé par le numérique, ce préfixe a profité de la défiance envers les acteurs traditionnels du capitalisme, de la crise économique et d’une nouvelle éthique environnementale. Avec un même idéal, la mutualisation et l’économie circulaire promettaient la sortie du capitalisme. Qu’en est-il aujourd’hui de ce « co » si vertueux ? Quelques grands noms se partagent le secteur des services et des échanges, qui est bien loin d’une potentielle démonétisation. Ces derniers engendrent chaque année des milliards de chiffre d’affaires. Grâce à ses 330 millions d’utilisateurs qui s’écharpent et partagent tout généreusement chaque jour, Twitter a même fini par enregistrer le premier bénéfice de son histoire.

Le co-, un modèle alternatif ou un elevator pitch ?

Moins qu’un modèle alternatif, atypique, ne serait-ce finalement qu’un nouveau stade de la marchandisation du monde, où l’efficacité du marché serait assurée par la convivialité du partage ? Ainsi, les plateformes de partage invitent-elles les utilisateurs à se noter les uns les autres. Un peu comme on note, finalement, les restaurants, les médecins, les produits. À l’utilisateur et client, donc, l’exercice d’évaluation. « Co- » comme convivialité ou « co- » comme convertisseur ? De la notation sympathique à la monétisation permanente, il n’y qu’un pas. Le réveil pourrait être douloureux : le collaboratif ne serait pas si coopératif que cela finalement ?