Le 8 mars 2020

Pourquoi est-ce si malaisé de dire “malaisant” ?

L’utilisation de ce mot reste souvent associée à un langage jeune, voire incorrect. Par exemple, un correcteur orthographique le soulignera. Pourquoi donc les Français semblent-ils si frileux à employer et reconnaître le mot « malaisant » comme un mot quelconque ? Tandis que les Canadiens l’utilisent fréquemment ? Il a émergé également dans d’autres pays francophones. En France, avant même d’être institutionnalisé, il apparaissait ponctuellement dans les médias et les critiques de films.

En fait, son énonciation accentue un sentiment de gêne extrême, en portant le jugement d’un regard extérieur à la situation en question.

Des images viennent en mémoire, évoquant des situations incongrues, ridicules ou déplacées : publicités ou selfies ratés, chorales de personnalités politiques ou confidences mièvres. Mais le mot s’entend rarement prononcé. On dira simplement que cela met “mal à l’aise”, reprenant la définition du mot.

Le mot a été prononcé récemment dans l’affaire Griveaux. « Malaisant et décevant », a dit la principale protagoniste, face caméra.

Si le mot “malaisant” réapparaît dans le dictionnaire français, c’est parce qu’il en avait disparu. Le verbe « malaiser » a bien existé entre le XIVe et le XIXe siècle. Le verbe, dérivé du nom « malaise » désigne à ce moment-là une opposition au fait d’être à l’« aise ».

La difficulté, et c’est le cas de le dire, vient de sa proximité avec un mot qui lui ressemble : « malaisé ». « Malaisé » lui, ne se construit pas à partir de “malaise”, mais de « mal » et « aisé ». Représentant quelque chose de difficile, il est attesté depuis le XVIe siècle. L’usage du terme « malaisant » fait donc de ce mot un revenant.

Pratique, générateur d’émotions désagréables, tout en étant prononcé avec une pointe de jubilation parfois. Ce mot n’est difficile à employer que si on le décide.