Le 4 février 2019

Les notes blanches ont-elles une couleur ?

Longtemps inconnues des citoyens, les notes blanches sont passées de l’ombre des Renseignements Généraux à la lumière des médias en quelques années, en 2016 à la faveur d’une question d’actualité, plus récemment dans les discussions qui ont encadré la loi anti-casseurs. La question posée en 2016 est toujours en ligne sur le site de l’Assemblée nationale, mais la réponse n’y figure pas… Ont-elles vraiment disparu ? A quoi et qui servent-elles vraiment ? Elles ont été supprimées en 2002, ce que le ministre de l’Intérieur a confirmé en 2007 ; l’état d’urgence les auraient réhabilitées. Pour preuve, en 2015 dans plusieurs affaires, ainsi que le soulignait cette député, le Conseil d’État aurait admis prendre en compte des notes blanches émanant du ministère. 

Sans mention ni d’origine ni de signature, les notes blanches sont aujourd’hui l’une des sources principalement considérées pour motiver des assignations à résidence, des perquisitions administratives voire des interdictions de manifester.

Leur blancheur leur donne un blanc-seing. Quand une note se pare du blanc de la transcendance, de l’oeil qui voit tout et qui sait tout, elle devient transcendante.

Pas de nom, pas d’empreinte ? Son auteur avance en gants blancs. Cette symbolique lui confère plus encore confiance et loyauté. C’est toute la modestie égalitaire du blanc. La note se pare du blanc de l’innocence ? Pourtant, quand bien même elle montre patte blanche, tel le loup pour convaincre le biquet, c’est surtout la culpabilité qu’elle rapporte. Les notes blanches ne sont pas sans blancs : des informations pas toujours vérifiables, des suspicions informelles, des erreurs, parfois. C’est sans doute toute la limite de cette expression qui recouvre la blancheur d’une absolue vérité.  

D’un point de vue des sciences de la communication, la note blanche est un médium, ni plus, ni moins. Un contenu entre un émetteur et un récepteur. À ce titre, elle devrait formellement en respecter tous les principes. Elle devrait mériter les mêmes précautions d’usage. Pourtant, à l’heure où l’anonymat des conversations sur les réseaux sociaux fait débat, où la justice est parfois tentée d’aller chercher l’origine d’informations journalistiques, la note blanche garde un statut à part.

Ce qui ne vaudrait pas pour le quatrième pouvoir, le vaudrait-il pour l’État ? Le pouvoir de la note blanche paraît infini.

Dans le temps et l’espace, la note blanche évolue librement. Symboliquement, sa couleur l’affranchit. Faut-il s’en inquiéter ? Faut-il en discuter ? En tant qu’objet de communication, tout médium est par essence un objet de pouvoir, qui plus est un objet qui relie des services, un ministère et un ministre, par extension l’ensemble des pouvoirs de la société, exécutif, législatif et judiciaire. En matière de sécurité et de respect des libertés publiques, faut-il se soumettre à la suprématie de la couleur ? La question n’est pas mineure, elle a partie liée avec la communication d’influence et à l’exercice du pouvoir.

La présence cachée des notes blanches donne la couleur de notre société.