Le 23 mars 2020

Disrupter : le changement, c’est maintenant ?

Rien ne sera plus comme avant ? Il y aura un avant et un après. Que n’a-t-on entendu ces jours-ci ? Les sociétés traversent une rupture, elles vont vivre une phase de disruption prédisent optimistes et pessimistes. C’est dire si le sujet occuper. En marketing, on appelle cela disrupter. Ce mot clivant dont l’usage pléthorique fait fréquemment le jeu de moqueries, semble traduire une soif de bouleversement mais pourrait bien n’être qu’un habile paravent, même en période de crise.

D’origine anglo-saxonne, “disrupter” s’est imposé d’abord dans le discours du marketing et de la pub à partir des années 90, puis dans celui de l’économie.

A strictement parler, est dite disruptive une entreprise qui bouleverse un marché, soit par une innovation technologique, soit par un business model inédit. Ces entreprises pionnières modifient le mode de consommation d’un bien ou d’un service, entrainant un changement des pratiques. Uber ou Airbnb sont régulièrement citées en exemple.  

Profondément ancré dans l’esprit d’entreprise, le mot a quitté son domaine d’origine.

On le retrouve aujourd’hui dans de nombreux secteurs. Ainsi, on peut disrupter l’éducation, l’assurance, la politique, ou même.. la soupe en brique et le crowdfunding ! L’usage souvent excessif du terme prête parfois à sourire : certains articles vont jusqu’à proposer de disrupter les disrupteurs eux-mêmes. Cependant, c’est avant tout un appétit pour la rupture et l’innovation que semble dire ce mot.

Pourtant, à force d’emplois, “disrupter” a perdu de sa spécificité pour désigner simplement un changement et une transformation.

En dépit de l’affaiblissement de son sens, le mot reste convoité. “Disrupter” et ses dérivés “disruption” et “disruptif” agissent presque comme des labels dotés d’un caractère performatif. Déclarer que quelque chose est disruptif, c’est lui donner du poids au sein d’un discours. Cela fait de l’innovation et du changement l’étalon de la valeur d’un projet. 

En disant qu’on change, on s’épargne de devoir changer véritablement.

Ou plutôt, si le changement devient mainstream, il n’y a pas de rupture véritable. S’il faut à tout prix être disruptif, disrupter n’est-il finalement pas devenu une forme de conformisme ?