Le 10 mars 2019

La nature urbaine rend-elle plus urbain ?

Murs végétaux, potagers urbains, fermes urbaines, jardins sur le toit,… Sous des formes diverses, la nature revient petit à petit en ville. Elle est présentée comme une solution à tous les défis qui se posent à la ville. La nature urbaine réduit les îlots de chaleur, étouffe les nuisances sonores et purifie l’air. Elle favorise le lien social, promeut la biodiversité, crée des emplois et, pour certains, garantirait la sécurité alimentaire. Ne nous emballons pas toutefois. Avant longtemps, les potagers urbains ne suffiront ni à nourrir les métropoles, ni à absorber leur pollution.

Tendance ou réelle transition, l’avenir nous le dira : le renouveau des espaces verts est un bel exemple de la théorie du Nudge, une façon de faire évoluer les comportements.

Le mot urbain appliqué à la nature est nouveau. Pourtant, il n’est pas loin le temps où l’horticulture maraichère était aux portes des villes avant que l’étalement urbain ne grignote les terrains. Si bien qu’en quelques décennies, on a cessé d’imaginer la nature comme une composante de la ville. D’ailleurs, nous voilà curieusement obligés de préciser d’un potager qu’il est urbain. Rien de tel lorsqu’à Paris, Napoléon III créa de toutes pièces le parc Montsouris ou celui des Buttes-Chaumont. Il s’agissait de seulement de parcs, pas de parcs urbains.

Au-delà de sa présence en ville, que définit l’urbanité de la nature ? Et de quoi cette urbanité est-elle le signe ? Hier, on se représentait la ferme et l’agriculture comme des sources de production alimentaire. Entre temps, il y a eu l’agriculture extensive, le rêve des villes nouvelles à la campagne, les hypermarchés et les légumes sous plastique.

L’avénement des Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) a marqué un premier retour à la nature des citadins, celle qui vit au rythme des saisons.

Certains ont alors fait cette horrible découverte : et oui, ni fraises ni tomates en hiver. La représentation la plus répandue aujourd’hui voudrait que la ville-nature, la ville verte et finalement la nature urbaine, soit à la fois protectrice et nourricière. Une nature urbanisée répond aussi à des ambitions sociales utilitaristes. Quand le béton se pare de végétal, l’environnement passe d’hostile à hospitalier. La nature urbaine offre le sentiment d’une nature retrouvée, préservée et réconciliée avec l’urbanisation, et réciproquement le sentiment d’une ville apaisée et plus sure. Certains urbanistes parlent d’ailleurs de « zones apaisées » pour signifier un espace vert sur un plan masse. 

D’un individu urbain, on dit qu’il est courtois et poli, tout le contraire du grossier et du vulgaire. Il en serait donc ainsi également de la nature urbaine et de son action sur les comportements ?

Au début du XXe siècle, le jardin ouvrier joua un rôle essentiel dans l’industrialisation et l’organisation scientifique du travail. Le travail méticuleux au grand air éloignait de la tentation, en l’occurrence à l’époque celle des établissements de boissons. Aujourd’hui, de la même manière, la ferme urbaine est un lieu pédagogique tandis que le potager sur le toit, partagé et cultivé par les habitants, a des vertus prophylactiques. Il calme les passions addictives, l’alcool naguère, l’hyper-connexion et le « tout-tout de suite » aujourd’hui. La nature urbaine reconnecte les individus au réel et entre eux. Au rythme des saisons et de leurs aléas, la nature est l’apprentissage de l’attente, de la patience et du temps qui passe.