Le 6 janvier 2020

Phobie, vous avez dit phobie ?

Etymologiquement, “phobie” signifie “crainte”. Pourtant, utilisé comme suffixe, le mot sert à qualifier des comportements de haine ou de rejet d’un groupe de personnes défini. Des mots comme “xénophobie”, “homophobie” ou “grossophobie” sont construits sur ce modèle. Pourquoi, dans ces cas, parler de peur plutôt que de haine ?  

A strictement parler, le suffixe -phobie renvoie à une peur excessive. Elle handicape pour celui qui la ressent et qui relève de la pathologie.

La psychologie a produit des listes des phobies recensées. Elles amusent les amateurs de savoirs inutiles en raison de l’apparente absurdité de certaines craintes. Ainsi, la fibulanophobie est la peur des boutons de vêtements. La géniophobie est la peur des mentons, et la pogonophobie, la peur des barbes. 

Puisque la phobie est une peur pathologique, pourquoi ce terme a-t-il été choisi pour désigner des comportements volontaires de haine ou de rejets ? Faire référence au vocabulaire de la maladie signale que les propos ou les actes ainsi qualifiés sont nocifs, qu’ils ne sont pas “sains”. En cela, l’usage met les personnes qui tiennent ces discours du côté de l’anormalité.

Cependant, il y a dans la phobie moins d’intentionnalité que dans la haine.

Ce mot semble impliquer que la personne qui commet l’acte problématique est comme à la merci d’une peur incontrôlable, qu’elle n’y est finalement pour pas grand chose. Si nous prenons l’exemple de la xénophobie, la personne à en souffrir n’est pas celle qui est atteinte de la phobie, comme dans le domaine médical, mais celle qui en fait l’objet, ici l’étranger. Il ne s’agit pas tant de peur que du rejet d’une personne ou d’un groupe, donc de discrimination.

A l’heure actuelle, le suffixe “phobie” est rarement compris dans son sens originel de peur pathologique. Il désigne plutôt la haine et le rejet. Son sens premier est présent de façon latente et mérite d’être rappelé. Ce mot contient en puissance une excuse idéale pour la personne responsable. Que ne fait-on pas en effet « sous le coup de la peur » ?